Patrick HERNANDEZ – Born to Be Alive (1979)

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Patrick Hernandez

Born to Be Alive / Born to Be Alive (Disco) (1979) [Single]


Patrick Hernandez est né d’un père espagnol et d’une mère italo-australienne en Guadeloupe en 1949.
Destiné à être professeur d’anglais, Patrick est très vite influencé par la Beatlemania du milieu des années 60 et achète à Londres sa première guitare. C’est à partir de ce moment qu’il commence à jouer dans une multitude de groupes avec lesquels il tourne essentiellement dans le sud de la France.
En 1970 il se voit offrir un contrat comme chanteur soliste d’un groupe produit par Claude François ; mais étant déjà chanteur de Paris Palace Hotel il décline l’offre.
Alors qu’il écrivait des titres pour le 1er album de ce groupe, c’est à cette époque qu’il compose « Born to be Alive ». Le groupe sort 2 simples mais en dépit de l’intérêt du producteur belge Jean Vanloo, l’album ne verra jamais le jour.
En 1978, ce dernier l’appelle à Bruxelles pour enregistrer les voix dans « Making Love ». Patrick lui joue « Born to be Alive » et Jean flaire la potentialité d’un hit. Hernandez sent bien qu’il est temps de laisser tomber le bon vieux rock et de se plonger à fond dans le disco, qui régnait à ce moment-là en maître absolu dans les boîtes de nuit.
Vanloo décide donc de calibrer « Born to be Alive » à 133 battements par minute et à mettre la batterie en surbrillance. Mais comme il manquait toujours un petit quelque chose, Hevé Tholance (ex-Paris Palace Hotel) suggère à Patrick d’adapter un riff de guitare funky de « Gimme Some Lovin’ » du Spencer Davis Group.
Tout était fin prêt pour faire un tabac sur les dancefloors ; le hic c’est qu’aucune maison de disques française n’a voulu éditer le simple.
Les 2 compères se tournent donc vers l’Italie où le titre est édité en novembre 1978. Il ne tarde pas à devenir un tube monstre vite certifié disque d’or en janvier 1979. Du coup CBS France s’empresse de l’éditer et l’histoire se répète si bien que « Born to be Alive » est classé N°1 d’avril à juillet 1979.
Patrick Hernandez ne s’arrête pas là et s’en va faire fructifier son capital aux USA. Le simple est intelligemment remixé par Columbia et se classe à nouveau 1er des classements disco et 16ème des meilleures ventes au Billboard.
Dans cette même année 1979, Patrick Hernandez a recueilli 52 disques d’or et de platine provenant de 50 pays…
Afin de faire la promotion de l’album remixé, Jean Vanloo, Jean-Claude Pellerin et Patrick Hernandez décident de monter une troupe de danseurs pour l’accompagner dans sa tournée mondiale.
C’est en auditionnant des danseuses qu’ils sont impressionnés par une dénommée Madonna Louise Veronica Ciccone étrangement débraillée. Ils lui ont promis qu’elle deviendrait une star si elle venait avec eux enregistrer à Paris.
« Nous avons tout de suite vu qu’elle avait beaucoup plus de punch que les autres » dit Hernandez.
Puis il ajoute : « Au lieu de la choisir pour la faire danser comme une idiote derrière moi, nous l’avons séparée des autres danseurs. Nous voulions l’emmener en France pour lui faire enregistrer des disques ». Lassée à l’idée de prendre son repas suivant au milieu des détritus et des cannettes vides, elle accepte l’offre par défaut, bien qu’elle rêvait au départ de devenir danseuse de ballet.
La future Madonna arrive donc à Paris en mai 1979 et emménage dans son nouvel appartement avec secrétaire, femme de ménage, voiture avec chauffeur et budget de garde-robe illimité…
Bien qu’elle découvre la vie facile Madonna sentait bien que la promesse de devenir une star ne se matérialisait pas comme elle le souhaitait.
Hernandez pensait que sa carrière de star du disco en France était condamnée dès le début.
À ce sujet il dit : « Elle ne voulait pas faire ce que nous avions dans la tête pour elle ; elle ne voulait pas chanter. Elle devait le faire. Elle voulait juste danser ».
Le fait d’en faire une chanteuse a été une grosse surprise pour elle. Elle était intéressée par l’avant-garde disco.
Patrick se souvient : « Nous voulions qu’elle bouge comme Donna Summer mais elle voulait faire autre chose ».
Vanloo et Pellerin lui ont concocté une chanson « She’s a Disco Queen » qu’elle a refusée de chanter. À cette époque elle était plutôt intéressée par le Punk et la New-Wave naissante.
Hernandez se souvient :
« C’est drôle, quand elle a eu du succès quelques années plus tard, c’était dû au même genre de chansons qu’on a essayé de lui faire enregistrer en priorité. Finalement, sa musique n’est pas du tout avant-gardiste ».
Après 3 mois seulement de séjour à Paris, le divorce était consommé ; Madonna refaisait ses valises pour New York mais avec inconsciemment dans l’esprit le fait qu’elle pouvait chanter.
Patrick était impressionné par sa détermination. Un jour, elle a dit à Patrick : « le succès est le tien aujourd’hui, mais demain ce sera mon tour. » Sa prédiction s’est révélée exacte puisque 8 ans plus tard, Madonna triomphait à Paris lors de son 1er concert en France.

La suite, tout le monde la connaît, les 3 simples suivants de Patrick Hernandez, « Disco Queen », « Show me the Way you Kiss » et « Goodbye » n’ont pas connu le succès de son tube planétaire malgré une récompense en 1980 du Billboard pour les bonnes ventes de son album remixé. Depuis 1978, « Born to be Alive » se vend régulièrement à 800 000 exemplaires par an dans le monde entier tout format confondu.

Madonna quand à elle, ne mettra pas longtemps à pérenniser ce que Patrick Hernandez n’a jamais pu faire, c’est-à-dire durer sous le feux de la gloire planétaire. Elle enregistre son premier simple en 1982 « Everybody » qui se vend à 250 000 exemplaires et se classe 3ème des charts dans la catégorie Danse. Son 1er tube planétaire elle l’obtient avec « Like a Virgin », N°1 au Billboard en décembre 1984… La suite appartient déjà à la légende.

En conclusion c’est une bien curieuse rencontre qui a eu lieu entre ce « One Hit Wonder » français et cette star italo-américaine planétaire qui dure depuis plus de 2 décennies.
Imaginons un instant que Madonna n’ait jamais rencontré Patrick Hernandez avec sa lubie de vouloir la faire chanter…

Écoute
« Born to Be Alive« 

Maurice RAVEL – Boléro (1928)

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London Symphony Orchestra / Claudio Abbado

Boléro; Rapsodie Espagnole; Ma mère l’oye; Pavane pour une infante défunte (1986)


En 1928, Maurice Ravel compose une œuvre inhabituelle et d’une simplicité déroutante pour le musicien innovateur qu’il était.
Son idée était tout simplement de répéter pendant une vingtaine de minutes le même thème sans changer une seule note ni le rythme, ni même varier le tempo d’un iota.
La seule modification qu’il s’est autorisée est un unique changement de tonalité juste avant la fin.
Par contre, ce qui va évoluer, c’est la manière de jouer ce thème répétitif; et tout va se passer dans l’orchestre.
Ravel, l’un des meilleurs orchestrateurs de tous les temps, va faire parler son génie qui fera le succès que l’on sait.
Il commence imperceptiblement avec la caisse claire qui donne le tempo, puis la flûte traversière joue le thème, repris par divers instruments à tour de rôle, puis plusieurs ensemble qui s’additionnent et amplifient progressivement l’intensité pour se terminer dans un fracas assourdissant de tout l’orchestre.
Jamais auparavant un musicien n’avait osé composer ce type de morceau exploitant ainsi à fond les possibilités de l’orchestre.

Voici les circonstance de cette composition :

Ida Rubinstein demande à Ravel de composer d’urgence une musique pour un ballet.
Voici les circonstances de cette composition (par Gustave Samazeuilh).

« C’était pendant l’été 1928 par une chaleur accablante. Venu prendre Ravel pour aller à la plage, je le trouvais en costume de bain, vêtu d’un peignoir jaune clair, un bonnet rouge écarlate sur la tête, un télégramme à la main, me jouant d’un doigt sur le piano le thème du Boléro. (Do – si, do, ré, do, si, la, do – do, la, do…) et me disant : “Mme Ida Rubinstein me demande d’urgence un ballet. Mais que trouver par une canicule pareille ? Que dites-vous de ce thème ?
Si j’essayais de le redire un bon nombre de fois sans aucun développement en graduant de mon mieux mon orchestre ?… En tout cas, quoique je fasse, le « Boléro » conçu pour la scène, ne sera pas écouté en concert »

Après la première audition à l’opéra au mois de novembre 1928, Ravel avait déclaré à ses amis :

« Voici un morceau que les grands concerts du dimanche n’auront pas le front d’inscrire à leur programme »

Ravel se trompait ; l’œuvre fit le tour du monde.

Mots de Ravel à propos de son œuvre :

– Une fois l’idée trouvée, n’importe quel élève du Conservatoire devrait, jusqu’à la modulation, réussir aussi bien que moi.
– Mon Boléro aurait dû porter en exergue : « Enfoncez-vous bien ça dans la tête »
– Entendant quelque Tino Rossi de faubourg qui bolérisait à sa façon : « voilà ma musique qui pénètre dans les masses »
– Quelque temps après la création de l’œuvre, son frère lui rapporte qu’à l’audition du Boléro, une vieille dame s’était emportée jusqu’à crier « Au fou !» Ravel se contenta de répondre avec un sourire ironique : « Celle-là vois-tu, elle a compris ».
Depuis, le Boléro est devenu, non seulement un des morceaux les plus joués de musique classique mais de musique tout court.
On le retrouve à toutes les sauces, dans la publicité, dans les films (« Les uns et les autres » de Claude Lelouche en 1981).
Il a même inspiré bon nombres d’artistes. Gilbert Bécaud, lorsqu’il a composé « Et maintenant », a bien été inspiré partiellement par le rythme et le crescendo du Boléro de Ravel. Enfin le trio britannique de rock progressif, Emerson, Lake & Palmer a écrit « Abaddon’s Bolero » en 1972 dans leur album Trilogy, qui n’est autre qu’un pastiche du Boléro de Ravel.
Mais ce qui fait la force de Ravel c’est l’originalité. Son Boléro a été maintes fois imité, adapté, massacré, samplé mais jamais égalé.
Nul doute qu’il hantera encore longtemps des générations entières de musiciens par le traîtement magique de l’ochestre qui a fait l’œuvre.

« Boléro – Maurice Ravel by Claudio ABBADO« 

Procol Harum « A Whiter Shade of Pale » (1967)

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Procol Harum

A Whiter Shade of Pale / Lime Street Blues (1967) [Single]


En 1967, Keith Reid et Gary Brooker issus des Paramounts, groupe de rythm’n’blues sans grand succès, composent un slow aux paroles surréalistes, largement inspiré de « L’Aria » de la Suite N°3 de Jean-Sébastien Bach, « A Whiter Shade Of pale » sous le nom de Procol Harum. Leur nom voudrait dire « Loin d’elle » en latin (Procul Harum)
La sonorité mystique de l’orgue d’église fait mouche et la chanson monte immédiatement à la 1ère place du hit-parade anglais, français et dans la plupart des pays d’Europe. Aux USA, le titre se classe 4ème  et en France c’est le tube de l’été. 5 ans plus tard, une réédition au Royaume-Uni, fera remonter le titre à la 14ème place.
Le titre co-signé Keith Reid-Gary Brooker excluait de ce fait l’organiste Matthew Fisher dont le succès de titre est également dû non seulement à sa sonorité d’instrument mais également à l’arrangement qu’il en a fait en partant du thème de Bach. Dès lors, les choses étaient mal engagées pour la survie du groupe en pleine gloire alors que les maisons de disques voulaient un second hit single.
La formation originale de Procol Harum, ne survivra pas à cet immense succès mais le groupe, après des changements de personnel enregistrera de nombreux albums de rock progressif souvent d’excellente qualité sans toutefois retrouver le même succès commercial.
En France, Nicoletta enregistre la version française Les orgues d’antan (Version française de « A Whiter Shade of Pale ») sans grand succès. De nombreux artistes reprennent ce titre dont Annie Lennox, l’ex-chanteuse d’Eurythmics, se classe 16ème au hit-parade anglais en 1995.
En mai 2005, Matthew Fisher traîne Reid et Brooker en justice afin de réclamer sa part dans les royalities du fait de l’importance de sa contribution dans l’écriture de « A Whiter Shade of Pale », arguant que son solo d’orgue faisait partie intégrante de cette composition. La décision est tombée en décembre 2006 et le juge a reconnu la contribution de Fisher en lui accordant 40% de partage. Il a ajouté que le solo d’orgue était une partie qui constituait une contribution distinctive de toute la composition, et que c’est de toute évidence le talent et le produit de la personne qui l’a créée. Reid et Brooker ont riposté en affirmant que la chanson avait déjà été écrite avant que Fisher ne joigne le groupe en mars 1967. Ils précisent que la victoire de Fisher devant les tribunaux crée un précédent arguant du fait que n’importe quel musicien ayant joué dans un groupe ces 40 dernières années peut réclamer des droits d’auteurs partagés. Ils ont l’intention de faire appel…
Malgré tout ça, 40 après sa composition, « A Whiter Shade of Pale » a gardé toute sa magie et on comprend bien qu’après un tel succès, chacun puisse vouloir partager sa part du gâteau. Il est bien loin le temps où Johann Sebastian Bach, Antonio Vivaldi et Georg Friedrich Händel s’empruntaient leurs thèmes pour les arranger à leur façon sans se préoccuper des droits d’auteurs… Les temps ont bien changé et la musique est devenu un business très protégé.

Écoute
A Whiter Shade of Pale

The NICE « America » (1968)

America (2nd Amendment) / The Diamond Hard Blue Apples of the Moon

The Nice

America (2nd Amendment) / The Diamond Hard Blue Apples of the Moon (1968) [Single]

 


Les Nice sont connus pour avoir sorti l’album considéré comme étant le 1er du genre, rock progressif avec The Thoughts of Emerlist Davjack en 1967.
Mais c’est au milieu de l’année suivante que le groupe va faire parler de lui avec un évènement pas loin de provoquer un incident diplomatique entre l’Angleterre et les USA.
Pour leur 2ème simple, les Nice arrangent le célibrissime « America » (intitulé « America 2nd Amendment ») ] de Leonard Bernstein extrait de sa non moins célèbre comédie musicale West Side Story.
L’arrangement est plutôt satirique et grandiloquent avec une énorme introduction jouée aux grandes orgues par Keith Emerson suivi du thème du refrain de Bersntein sur un tempo d’enfer avec en conclusion un fragment du 4ème mouvement de la Symphonie du Nouveau Monde de Antonín Dvořák. Suit une longue improvisation à l’orgue puis le retour de thème de « America » avec en conclusion un petit enfant prononçant la phrase suivante :

« America is pregnant with promises and anticipation, but is murdered by the hand of the inevitable. »

Une Amérique boursoufflée dans sa grandeur arrogante, avec citation d’un thème d’un compositeur d’Europe de l’Est découvrant la beauté et la grandeur de ce vaste pays puis cette terrible phrase dite par un enfant noir en guise de coda, il était difficile de faire pire dans la provocation. Le groupe avait d’ailleurs reçu le soutien de nombreux Hippies.

D’après la biographie d’Emerson, l’enfant serait le fils de 3 ans de la chanteuse noire P.P. Arnold, ex-The Ikettes de Ike & Tina Turner.

Quand les Nice ont joué ce titre en public au Royal Albert Hall tout en brûlant le drapeau américain sur scène lors d’une tournée triomphale, cela n’a pas manqué de provoquer la colère de l’Oncle Sam.
Leonard Bersnstein a immédiatement demandé l’interdiction de l’édition de simple aux USA et a obtenu gain de cause.
Cette pièce est considérée comme étant la première « protest song » instrumentale. Le morceau montre clairement du doigt le US Bill of Rights concernant l’autorisation du port d’arme pour tout citoyen américain.

Même si le simple n’obtint qu’une modeste 21ème place dans « Top of the Pops », le morceau a été largement programmé sur les ondes européennes et a même servi de générique à diverses émissions ainsi que de support musical derrière des spots publicitaires.

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America