Michel POLNAREFF – Le bal des Laze (1)

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1968 – Mai 68 et les CHANSONS MARQUANTES de l’ANNÉE (1)

C’est Michel POLNAREFF qui ouvre le bal de 1968 avec « Le bal des Lazes ». Cette chanson magnifique avec ses accords d’orgue envoûtants, son contrechant également à l’orgue et une belle ligne de basse électrique est l’une des plus réussies de Polnareff. Le passage instrumental modulant à 2:25 est tout simplement sublime. L’histoire aurait été inspirée par une bourgade du Finistère, Laz où il y avait effectivement un château. Dans divers chants bretons il est aussi question d’un comte de Laz et d’une dramaturgie analogue à celle de la chanson… Un monument de la chanson française.

Johnny HALLYDAY – Cheveux longs et idées courtes (1966)

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Johnny Hallyday

Cheveux longs et idées courtes (1966) [EP]


En 1966, la vogue du Yéyé et du Rock touchent à leur fin. Johnny Hallyday sentait bien après 4 années de règne en tête sans partage dans le cœur des français, qu’une partie du public le délaissait, attiré par les sons d’outre-Manche et d’outre-Atlantique des Beatles, des Stones et de Dylan en particulier. Même en France, le rock pur et dur est battu en brèche par les Hugues Aufray et surtout les auteurs-compositeurs-interprètes que sont Michel Polnareff, et Jacques Dutronc.
Pour affirmer sa position d’éternel N°1, Johnny, avec la complicité de Jean-Marie Périer, photographe patenté des idoles des sixties, monte sur une échelle afin d’être le plus en vue sur la célébrissime photo de Salut les Copains du 12 avril 1966.
Johnny négocie donc un virage musical délicat en lançant sur le marché français des adaptations de musique noire, Funk et Rhythm’n’blues de James Brown, Wilson Pickett et Otis Redding afin de conserver une image concordant avec celle du rocker des années précédentes. Le batteur Tommy Brown et le guitariste Mick Jones (futur Foreigner) étaient engagés pour former son nouveau groupe les The Blackburds.
Tout aurait pu fonctionner parfaitement si l’agitateur Antoine n’avait pas balancé au printemps 1966 un gros pavé dans la mare avec ses « Élucubrations » provocantes qui mettent Johnny Hallyday en « cage à médrano » sur des sonorités dylanesques.
Un peu pris de cours, Johnny demande à un ami de lui composer une riposte. Cela donne le curieux « Cheveux longs et idées courtes » signé Johnny Hallyday-Gilles Thibault, faisant passer Johnny, le roi du cover, pour un authentique compositeur.
Malheureusement pour lui, il s’avère que cette chanson n’a rien d’une version originale. Ce n’est ni plus ni moins qu’un plagiat de « My Cricified Jesus » d’un artiste skiffle-folk-blues Belge Ferre Grignard qui avait eu son heure de gloire avec « Ring, Ring, I’ve Got to Sing » l’année précédente. Le titre original, malgré une inspiration folklorique, a donc été grossièrement maquillé en modifiant légèrement la mélodie et en supprimant l’harmonica pour en faire une « anti-protest song » spécialement destinée à riposter à Antoine et à tous les chevelus qui n’ont que leurs chansons et leur guitare pour dénoncer la guerre du Vietnam. Malgré ce contretemps, la chanson de Johnny connaît un succès suffisamment considérable pour couper la France en 2 pendant un certain temps… D’ailleurs Johnny a fait une tentative de suicide le 10 septembre avant de revenir en force avec l’adaptation de « Black is Black » de Los Bravos en « Noir c’est noir » où il évoque cette période trouble.
Cependant la véritable victime de cette « Guerre des chansons » (chantée par France Gall) sera finalement le 3ème larron ; celui qui n’y est pour rien, à savoir Ferre Grignard pour qui la gloire était arrivée trop tôt. Gloire éphémère. Il pensait que ça allait durer et a mené la grande vie. Le plagiat de Johnny l’a laissé sans réaction et il n’a touché aucun droit d’auteur alors qu’il était déjà criblé de dettes et de ce fait, a refusé de payer ses taxes. Il était par ailleurs sous l’emprise de l’alcool et a quitté Philips pour Barclay. Mais ses disques suivants ont été des échecs commerciaux et il a progressivement sombré dans la solitude et l’alcoolisme. Lorsqu’il a été découvert mort d’un cancer de la gorge à Antwerp en 1982, il vivait dans une masure sans chauffage entouré de bouteilles vides.
Personne ne sait au juste à quel point Johnny Hallyday était musicalement impliqué dans cette affaire. Ses biographies sont relativement discrètes à ce sujet. Nul doute qu’il a dû négocier le premier tournant difficile de sa jeune carrière alors qu’il n’était sûrement pas prêt à affronter la concurrence venant de courants musicaux différents du Rock. Parler de « traversée du désert » à propos de Johnny en 1966 comme c’est parfois évoqué dans certaines biographies est parfaitement incongru car son succès a presque toujours été constant. Johnny Hallyday a toujours pu compter sur sa force et son entourage pour ne pas sombrer dans l’oubli. Reste que l’histoire de Ferré Grignard mériterait de plus amples éclaircissements ; une bien triste ‘’histoire belge’’ dont on se serait volontiers passé.

Écoute
Cheveux longs et idées courtes

Ferre Grignard – « My Crucified Jesus »
My Crucified Jesus

JETHRO TULL – Bourrée (1969)

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Jethro Tull

Bourée / Fat Man (1969) [Single]


En 1969, Jethro Tull était déjà connu des français mais c’est curieusement avec cette reprise de la « Bourrée » extraite de la suite en ré mineur pour luth de Jean-Sébastien Bach,  que le groupe va connaître un succès phénoménal alors que ce titre passe totalement inaperçu en Grande-Bregagne.
2 flûtes traversières, une basse tonitruante, une batterie délirante et une guitare rythmique ont suffit à transcender la composition du Cantor de Leipzig.
Seul le 1er thème, dont le rythme a été changé, a été repris ; Jethro Tull improvise ensuite à la flûte et à la basse en accélérant le tempo par la batterie avant de revenir au thème initial à la manière d’une formation de Jazz.
Cette reprise mélangeant le classique, le Jazz et le rock dans une atmosphère médiévale donne un résultat époustouflant.
Bien d’autres groupes vont ensuite reprendre cette Bourrée de Bach dont l’éphémère Bakerloo, mais avec un succès bien moindre.
Quelque temps plus tard, House of the King un morceau du groupe Hollandais Focus, sèmera une belle confusion dans les esprits français car beacoup ont cru que c’était un nouveau titre de Jethro Tull avec une flûte traversière jouée d’une manière similaire en solo.
Dans l’esprit de beaucoup de français de la fin des sixties, Jethro Tull c’est la Bourrée, à la limite les créateurs d’un seul tube…
Voilà bien une « exception française » car nulle part ailleurs, le simple s’est vendu autant que chez nous.

Écoute
Bourée

Patrick HERNANDEZ – Born to Be Alive (1979)

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Patrick Hernandez

Born to Be Alive / Born to Be Alive (Disco) (1979) [Single]


Patrick Hernandez est né d’un père espagnol et d’une mère italo-australienne en Guadeloupe en 1949.
Destiné à être professeur d’anglais, Patrick est très vite influencé par la Beatlemania du milieu des années 60 et achète à Londres sa première guitare. C’est à partir de ce moment qu’il commence à jouer dans une multitude de groupes avec lesquels il tourne essentiellement dans le sud de la France.
En 1970 il se voit offrir un contrat comme chanteur soliste d’un groupe produit par Claude François ; mais étant déjà chanteur de Paris Palace Hotel il décline l’offre.
Alors qu’il écrivait des titres pour le 1er album de ce groupe, c’est à cette époque qu’il compose « Born to be Alive ». Le groupe sort 2 simples mais en dépit de l’intérêt du producteur belge Jean Vanloo, l’album ne verra jamais le jour.
En 1978, ce dernier l’appelle à Bruxelles pour enregistrer les voix dans « Making Love ». Patrick lui joue « Born to be Alive » et Jean flaire la potentialité d’un hit. Hernandez sent bien qu’il est temps de laisser tomber le bon vieux rock et de se plonger à fond dans le disco, qui régnait à ce moment-là en maître absolu dans les boîtes de nuit.
Vanloo décide donc de calibrer « Born to be Alive » à 133 battements par minute et à mettre la batterie en surbrillance. Mais comme il manquait toujours un petit quelque chose, Hevé Tholance (ex-Paris Palace Hotel) suggère à Patrick d’adapter un riff de guitare funky de « Gimme Some Lovin’ » du Spencer Davis Group.
Tout était fin prêt pour faire un tabac sur les dancefloors ; le hic c’est qu’aucune maison de disques française n’a voulu éditer le simple.
Les 2 compères se tournent donc vers l’Italie où le titre est édité en novembre 1978. Il ne tarde pas à devenir un tube monstre vite certifié disque d’or en janvier 1979. Du coup CBS France s’empresse de l’éditer et l’histoire se répète si bien que « Born to be Alive » est classé N°1 d’avril à juillet 1979.
Patrick Hernandez ne s’arrête pas là et s’en va faire fructifier son capital aux USA. Le simple est intelligemment remixé par Columbia et se classe à nouveau 1er des classements disco et 16ème des meilleures ventes au Billboard.
Dans cette même année 1979, Patrick Hernandez a recueilli 52 disques d’or et de platine provenant de 50 pays…
Afin de faire la promotion de l’album remixé, Jean Vanloo, Jean-Claude Pellerin et Patrick Hernandez décident de monter une troupe de danseurs pour l’accompagner dans sa tournée mondiale.
C’est en auditionnant des danseuses qu’ils sont impressionnés par une dénommée Madonna Louise Veronica Ciccone étrangement débraillée. Ils lui ont promis qu’elle deviendrait une star si elle venait avec eux enregistrer à Paris.
« Nous avons tout de suite vu qu’elle avait beaucoup plus de punch que les autres » dit Hernandez.
Puis il ajoute : « Au lieu de la choisir pour la faire danser comme une idiote derrière moi, nous l’avons séparée des autres danseurs. Nous voulions l’emmener en France pour lui faire enregistrer des disques ». Lassée à l’idée de prendre son repas suivant au milieu des détritus et des cannettes vides, elle accepte l’offre par défaut, bien qu’elle rêvait au départ de devenir danseuse de ballet.
La future Madonna arrive donc à Paris en mai 1979 et emménage dans son nouvel appartement avec secrétaire, femme de ménage, voiture avec chauffeur et budget de garde-robe illimité…
Bien qu’elle découvre la vie facile Madonna sentait bien que la promesse de devenir une star ne se matérialisait pas comme elle le souhaitait.
Hernandez pensait que sa carrière de star du disco en France était condamnée dès le début.
À ce sujet il dit : « Elle ne voulait pas faire ce que nous avions dans la tête pour elle ; elle ne voulait pas chanter. Elle devait le faire. Elle voulait juste danser ».
Le fait d’en faire une chanteuse a été une grosse surprise pour elle. Elle était intéressée par l’avant-garde disco.
Patrick se souvient : « Nous voulions qu’elle bouge comme Donna Summer mais elle voulait faire autre chose ».
Vanloo et Pellerin lui ont concocté une chanson « She’s a Disco Queen » qu’elle a refusée de chanter. À cette époque elle était plutôt intéressée par le Punk et la New-Wave naissante.
Hernandez se souvient :
« C’est drôle, quand elle a eu du succès quelques années plus tard, c’était dû au même genre de chansons qu’on a essayé de lui faire enregistrer en priorité. Finalement, sa musique n’est pas du tout avant-gardiste ».
Après 3 mois seulement de séjour à Paris, le divorce était consommé ; Madonna refaisait ses valises pour New York mais avec inconsciemment dans l’esprit le fait qu’elle pouvait chanter.
Patrick était impressionné par sa détermination. Un jour, elle a dit à Patrick : « le succès est le tien aujourd’hui, mais demain ce sera mon tour. » Sa prédiction s’est révélée exacte puisque 8 ans plus tard, Madonna triomphait à Paris lors de son 1er concert en France.

La suite, tout le monde la connaît, les 3 simples suivants de Patrick Hernandez, « Disco Queen », « Show me the Way you Kiss » et « Goodbye » n’ont pas connu le succès de son tube planétaire malgré une récompense en 1980 du Billboard pour les bonnes ventes de son album remixé. Depuis 1978, « Born to be Alive » se vend régulièrement à 800 000 exemplaires par an dans le monde entier tout format confondu.

Madonna quand à elle, ne mettra pas longtemps à pérenniser ce que Patrick Hernandez n’a jamais pu faire, c’est-à-dire durer sous le feux de la gloire planétaire. Elle enregistre son premier simple en 1982 « Everybody » qui se vend à 250 000 exemplaires et se classe 3ème des charts dans la catégorie Danse. Son 1er tube planétaire elle l’obtient avec « Like a Virgin », N°1 au Billboard en décembre 1984… La suite appartient déjà à la légende.

En conclusion c’est une bien curieuse rencontre qui a eu lieu entre ce « One Hit Wonder » français et cette star italo-américaine planétaire qui dure depuis plus de 2 décennies.
Imaginons un instant que Madonna n’ait jamais rencontré Patrick Hernandez avec sa lubie de vouloir la faire chanter…

Écoute
« Born to Be Alive«